Algérienne et entrepreneure : Fouzia Guessoum

ETIC Club
4 min readMar 11, 2022

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Dans le cadre de notre évènement Women & Entrepreneurship visant à encourager l’entrepreneuriat féminin en Algérie et à mettre en lumière des exemples concrets de réussite, on a décidé d’interviewer plusieurs entrepreneures, de divers domaines pour un partage d’expérience. C’est ainsi qu’est née la série “Algérienne et entrepreneure” qu’on entame avec une interview de Mme Fouzia Guessoum, fondatrice et directrice générale de SG Software. Fondé en 2000 et présent dans plus de 60 sites en Algérie, SG Software est un intégrateur de logiciels spécialisé dans la gestion électronique de l’information et du contenu d’entreprise (ECM). Initialement une start-up, elle a aujourd’hui le statut de PME (Petites et Moyennes Entreprises).

  • Pour débuter cette interview, pouvez-vous nous résumer votre parcours professionnel ?

Fraîchement diplômée en tant qu’ingénieur en électronique, j’ai travaillé quelque temps dans la maintenance industrielle parce qu’il me semblait que c’était ce en quoi consistait l’électronique en grande partie. Voyant que cela ne me convenait pas, j’ai décidé de quitter ce poste. Peu de temps après, j’ai postulé dans une multinationale, toujours dans la maintenance. Lors d’un entretien avec le DG de cette entreprise, il avait proposé de me recruter, mais en tant que commerciale. Après beaucoup d’hésitations, j’ai décidé de me lancer dans cette aventure, bien que je ne m’y connaissais pas. Une des phrases que le DG m’avait dite et dont je me souviens encore à ce jour était “Un ingénieur est formé pour réfléchir, pour trouver des solutions à des problèmes et non pas pour prendre le tournevis” et il avait raison. J’ai donc rejoint cette multinationale en 1993, en tant que commerciale et ça a changé ma vie.

  • Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir entrepreneure?

L’idée me trottait dans la tête à partir du moment où j’ai quitté la multinationale dans laquelle j’ai travaillé. Je voulais être dans le service parce que j’avais la conviction que la valeur ajoutée s’y trouvait et j’avais des capacités dans ce sens. Maintenant la question qui se posait était, du service, oui, mais quoi ? J’avais croisé au cours de ma carrière une solution de gestion électronique du document, c’était en 1997 et c’était très nouveau à l’époque. Je m’étais dit que c’était un domaine qui pourrait me plaire et dans lequel je pourrais m’épanouir, et j’avais raison. Je me suis donc installée en entreprise et c’est là que l’histoire de SG Software a commencé.

  • A votre avis, cela est-il plus compliqué lorsque l’on est une femme?

Très honnêtement, je ne pense pas. La difficulté est réelle mais pour tout le monde. Il y a certes quelques obstacles liés au fait d’être une femme, il suffit de savoir les gérer. Du côté administratif, l’ensemble des lois qui régissent l’entrepreneuriat en Algérie sont les mêmes pour les hommes et les femmes. En revanche, on sent que les mentalités sont plus habituées à ce que l’entrepreneur soit un homme, et j’ai pu le constater lors d’une expérience personnelle. A la création de l’entreprise, on se déclare à la CASNOS (organe de sécurité sociale pour les entrepreneurs) tandis que les employés sont déclarés à la CNAS. Ainsi, au moment où j’ai accouché de mon fils, je suis partie déclarer mon congé maternité à la CASNOS et c’est là qu’ils m’ont annoncé que je n’avais droit à rien, qu’ils ne géraient pas ce genre de situations. On se dit alors qu’ils ne sont pas habitués à la femme entrepreneure et j’ai depuis décidé de me mettre à la CNAS aussi.

  • Quelles sont les épreuves les plus compliquées à surmonter lorsque l’on préside ? Comment avez-vous réussi à franchir ces obstacles ?

La gestion est très difficile, ce n’est pas un métier facile. Au bout de 20 ans, on le sent. Tout d’abord il y a toute la partie administrative qui n’est pas la plus agréable. J’ai personnellement choisi d’être organisée en société moderne dotée d’outils de gestion modernes. Par contre, parfois, en Algérie, les choses bougent rapidement, ce qui complique la gestion administrative. Ensuite, il y a la gestion financière: il faut de l’argent pour payer les salaires, pour se développer, pour investir, et c’est l’une des plus grandes difficultés à laquelle on est confrontés. Enfin et surtout, il y a la gestion des ressources humaines. En Algérie, on est beaucoup dans l’émotionnel, ce qui peut s’avérer problématique dans un milieu professionnel. On a un double problème: un problème au niveau des managers, on n’a pas appris à évaluer les autres sur la base de facteurs réels et factuels; et un autre chez les salariés qui ont du mal à être contrôlés de cette façon. La confiance n’exclut pas le contrôle: au sein de notre entreprise, par exemple, on a mis en place des comités de suivi projet. Une fois par mois, les gens concernés par les projets (les chefs de structure, la directrice commerciale, le directeur technique, l’ingénieur concerné, le chef de projet et moi-même) se réunissent pour évaluer l’avancement du projet et si tout va bien, le déclarent aussi dans un PV. La formation est également primordiale, il faut régulièrement se former et former son équipe.

  • Quels conseils donneriez-vous à une femme qui rêve de suivre votre exemple et de se lancer?

Les rêves, ça se réalise. Il faut y aller. Comme ça, il n’y a aucun regret à avoir. Il n’y a pas de travail sans difficulté, ça n’existe pas. Donc, celui qui veut concrétiser un projet, qui a une idée, qui a un rêve, n’a qu’à se lancer. On ne vit qu’une fois de toute façon, il faut donc saisir toutes les opportunités qui s’offrent à nous. Lorsque j’étais moi-même jeune étudiante, je n’aurais jamais imaginé un jour me lancer, et même lorsque j’avais commencé à travailler dans l’entreprise publique, ça ne m’avait jamais traversé l’esprit, et pourtant plusieurs années plus tard, me voilà. Certes, il faut s’accrocher, mais si l’on cherche à s’épanouir dans son métier, accomplir de belles choses et se réaliser, il ne faut pas hésiter !

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